Filosofía en español 
Filosofía en español


Mayorquines

Aux membres du Círculo Mayorquín

Messieurs, heureux ce Siècle où l'on ne peut point faire
Un pas, sans rencontrer le Progrès en Chemin;
Où, malgré les efforts des maîtres de la Terre,
     On voit crouler dans la poussière
     Notre vieil égoisme humain!–

Messieurs, heureux ce Siècle où tout se synthétise,
Où tout isolement se Change en Union,
Où la Société, comme Dieu, s'harmonise,
     Où tout Cercle devient Eglise,
     Où se réalise Sion !–

Jadis, quand des Proscrits voyageaient par le monde,
Ils étaient regardés comme des Parias;
Ils erraient, isolés de la Terre et de l’Onde,
     Cherchant sur la roche inféconde
     Un pain dur qu'ils ne trouvaient pas!–

Aujourd’hui, quand l’un d’eux quelque part se présente,
Un ne l’isole plus; on l’entoure aussitôt;
On ramène à ses pieds la Fortune inconstante;
     Son hôte s’instruit et s’enchante
     Au doux bruit de son moindre mot.–

Et sur le sol qu’il touche, avec joie, il rencontre
Le grain qu’aux quatre vents sa voix hier sema;
Et devant lui soudain Chaque Peuple lui montre
     Les dignes que l’on construit contre
     L’egoïsme qu’il attaqua!–

Dans mon front Obscurei surgirent ces pensées,
Quand je franchis le seuil de votre Círculo,
Quand je vis tant de mains, par d’autres mains pressées,
     Peupler les salles élaucées
     De votre collectif écho!–

En construisant ce lieu de repos et de joie,
Vous avez résolu le probléme des pleurs:
Ainsi le Nènuphar, du ruisseau qui le noie
     Sort éclatant et se déploie;
     Tout églantier porte des fleurs!

Quelques francs tous les mois, un rien, ce que l’on jette
Au premier des plaisirs qui tentent nos regards;
Et voilá que ce rien d’autres riens se complette,
     Qu’un grand monument se projette,
     Palais de l’amour et des arts!–

L’association produit ce grand miracle;
Le Palais sort de Terre; il est construit déjá;
Demain, vous le verrez, il deviendra Cénacle;
     Hier ce sol était obstacle;
     Aujourd’hui l’avenir est là!–

Ah! Soyez honorés, messieurs, pour la Pensée
Qui, née en vos esprits, s’est faite monument;
Sa route par le monde était déjà tracée;
     Il restait à la voir placée
     Sur un Piedestal de Ciment.–

Or toute faible aurore á son jour de lumière;
Tout Commencement simple a sa superbe fin;
Tout premier piedestal se voit bientôt un frère;
     Ce qui naît petit sur la Terre
     Devient Gèant le lendemain!–

Votre Œuvre aura ce sort.– La Pensée et l’huile
Se propagent en cercle autour de leur berceau;
Le plus simple hameau deviendra grande ville;
     Et tout lien de joie et d’asile
     Est le seuil d’un temple nouveau!–

Ce que vous avez fait pour abriter vos rires,
L’artisan le fera pour y rire à son tour;
Les Peuples le feront pour joindre les empires,
     Pour y former leurs Cynègires,
     Et causer du travail moins lourd.

Alors Dieu de nouveau sera venu sur terre;
Il Aura réuní les corps, comme autrefois
Il unit les esprits dans le sein de son Père;
     Dèsormais naîtra la Prière
     De l’ame et du Corps à la fois!–

Alors le monde entier sera pour tous les Etres
Ce que votre lycée est pour vous aujourd’hui;
Alors les Peuples forts étant leurs propres maîtres,
     Prendront les plus sages pour Prétres;
     Et toute lumière aura lui.–

Sans doute, ainsi que moi, vous ne pourrez o frères
Voir ce que je prédis et ce que vous formez;
Mais vos enfants, allez, le verront; nos misères
     Ne seront pas héréditaires;
     Pour les vaincre il en coûte assez!–

Eh bien! Voir par son fils, n’est ce point par soi même?
La mort est un mensonge inconnu de la Foi;
La vie est éternelle et son œuvre suprême,
     De sa naissance à son extrême,
     Ne fuit nï ses yeox ni sa Loi!–

Mais cependant merci, pour m’avoir à cette heure
Fait entretvir ce but que nous verrons plus tard;
Pour m’avoir accueilli dans la vaste deraeure,
     Où, lorsque mon beau Pays pleure,
     Je fus conduit par le hasard!–

Votre hospitalité vivra dans ma mémoire!–
Les Proscrits d’aujourd’hui le seront ils demain?–
La defaite est toujours mère de la Victoire;
     Mais dans le deuil ou dans la Gloire,
     Je vous tendrai toujours la main.–

Hugelmann Gabriel
refugié politique.

La prochaine Mayorquine sera dediée à ceux des habitants de Palma qui ont contribué à la souscription ouverte en faveur des compagnons de l’auteur.