Filosofía en español 
Filosofía en español

Comisión española del Congreso por la Libertad de la Cultura

Pablo Martí Zaro

[ Curriculum vitae y plan de actuación si le encomiendan la Secretaría del Comité español ]
“Les activités en Espagne du Congrès pour la Liberté de la Culture”

París, septiembre de 1962


CURRICULUM VITAE

Pablo MARTI ZARO
Quarante et un ans. Marié, quatre enfants.
Domicile: Av. de América, 13 1° dcha. Madrid 2. Tel. 246 37 19
 

Il commence ses études secondaires en Espagne, les continua pendant deux ans dans un lycée français et les acheva dans son pays à la fin de la guerre civile. Après, il étudia l'Agronomie à l'Ecole d'Ingénieurs Agronomes de Madrid.

Pendant quelques années, il occupa un haut poste dans une entremise privée qui se consacrait aux travaux d'aménagement agricole. Plus tard, au moment où, pour la première fois, on envisageait en Espagne l'établissement des assurances sociales dans l'agriculture, il entra au Ministère du Travail. Il y demeura depuis et prit part à l'élaboration de bon nombre d'études et de textes légaux.

Il se donna très tôt à la littérature. Son genre préféré est le théâtre. En 1945, une de ses pièces remporta le prix de l'Athénée de Madrid. En 1951, avec une autre pièce, il obtint le prix "Calderón de la Barca". En 1958, après concours, la Fondation "Juan March" lui accorda une pension pour écrire une oeuvre dramatique. De 1954 à 1959, il travailla à Radio-Madrid, où il s'occupait de critique théâtrale ainsi que de faire des adaptations de pièces et des commentaires sur le théâtre espagnol el étranger. Jusqu’à son départ d'Espagne, il dirigeait la collection dramatique d'"Ediciones Arion", de Madrid, et collaborait comme conseiller littéraire dans deux autres maisons d'éditions. Il a fait de nombreuses traductions et a publié des articles et des essais dans plusieurs revues espagnoles.

Dès 1956, il s'occupe très activement de politique dans le groupe de Dionisio Ridruejo.

Il a voyagé en France, Suisse, Belgique, Luxembourg, Allemagne, et, bien entendu, en Espagne aussi.


LES ACTIVITÉS EN ESPAGNE DU CONGRÈS POUR LA LIBERTÉ DE LA CULTURE

Par Pablo Martí Zaro  

Le Congrès a été créé pour stimuler, soutenir et diffuser dans le domaine de la culture les principes de liberté qui sont à la base même de notre civilisation. Donc, tout en respectant la plus large variété de tendances et de formes dans les manifestations culturelles, il doit lutter dans tous les pays et par tous les moyens à sa portée contre les mystifications et les aliénations, contre les entraves et la servitude, que les totalitarismes des différentes espèces essayent d'imposer de mille manières à la pensée contemporaine pour la réduire à la piteuse condition de simple instrument de leur volonté de pouvoir.

Mener cette lutte, et bien la mener, est particulièrement nécessaire en Espagne, en raison de la position que ce pays occupe en Europe, ainsi que de sa proximité de l’Afrique et de l'influence que sa culture a toujours naturellement exercée sur les nations américaines de langue espagnole. En raison aussi des circonstances singulièrement étouffantes dans lesquelles se déroule la vie intellectuelle en Espagne.

Sans crainte d'exagérer, on peut dire qu'avant 1936 les aiguilles marquaient sur le cadran de la pensée espagnole la même heure que l'horloge européenne. Les efforts réalisés par des hommes éminents pendant le dernier tiers du dix-neuvième siècle et les premières années du vingtième avaient porté largement leurs fruits. Tant sur le plan scientifique que sur celui de la création littéraire ou celui des idées, les intellectuels espagnols avaient étudié, critiqué et assimilé ce qu'il y avait de plus vivant dans les conceptions de l'époque, en avaient profité pour donner une nouvelle vigueur aux courants autochtones, approfondir la connaissance des réalités de notre pays et avaient réussi à faire des apports fort estimables à la pensée de leur temps. En un mot, ils étaient arrivés à établir un dialogue valable et fécond avec l'Espagne et avec le monde. Mais la guerre civile mit violemment fin à cette véritable renaissance. Bon nombre d'hommes de science, d'écrivains, d'essayistes, de professeurs, parmi les plus prestigieux, dorent quitter le pays. Ceux qui y restèrent furent obligés de se réfugier dans les rangs d'un conformisme plus ou moins avéré, plus ou moins sincère, mais qui les empêcherait désormais de s'exprimer comme ils auraient dû le faire. Il ne pouvait plus être question pour eux de développer les idées qui étaient en vigueur avant 1936 (repoussées par le Régime), ni d'adopter les nouvelles conceptions venues de l'étranger, et moins encore d'entamer l'analyse des problèmes qui étaient posés à la communauté nationale. Les grands thèmes du temps leur étant donc pratiquement défendus, ils durent se borner à ne les traiter que d'une façon pour ainsi dire scholastique (en les prenant de si haut et de si loin qu'ils n'avaient plus aucun rapport avec l'actualité), á se gaspiller en petites polémiques sur des sujets plutôt marginaux, ou à faire une littérature dont le virtuosisme était à peu près la seule valeur remarquable. Sauf quelques exceptions, les intellectuels qui ont atteint leur pleine maturité dans ces dernières 25 années ont suivi d'une façon assez fidèle l'exemple de leurs aînés. Et ceux qui, à cause de leur âge ou des découragements et difficultés de toutes sortes, n'ont pas encore pu donner une preuve suffisant de leurs capacités se trouvent (dans une absence quasi totale de guides et d'autorités) en face d'un pays qui a perdu l'habitude d'écouter l'intelligence et d'un monde -très mal connu, du reste- qui ignore l'essentiel de ce qui se passe dans la culture espagnole. Ainsi la censure de l'Etat et l'isolement de l'Espagne aidant beaucoup, la coupure s'est produite, le dialogue s'est interrompu. Quoi faire pour le renouer?

Il est évident qu'on ne peut pas revenir tout simplement au stade antérieur à 1936, qu'il serait stérile d'essayer une espèce de traduction déguisée de la pensée étrangère, et qu'on ne peut pas non plus repartir de zéro. Les groupes de pression

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culturelle agissant dans le pays (Régime, Opus Dei, Communistes et apparentés) ont parfaitement compris les avantages qu'ils pouvaient tirer de la situation et ont amorcé, chacun de leur côté, la solution qui convenait le mieux à leurs intérêts. Le Régime, à travers ses "mass media", ses journaux et revues, ses maisons d'éditions, ses organismes et sa censure, a tâché de mettre su pied un fantôme culturel qui se veut l'héritier à la fois de la tradition nationale le plus pure, du dogmatisme religieux le plus serré et de certaines idées qui étaient actuelles vers 1930. L'Opus Dei, plus habile, a greffé sur le même traditionalisme et sur le même dogmatisme quelques apports passablement modernes, mais extraits de la pensée la plus réactionnaire de l'Europe. Les communistes et apparentés ne renoncent pas, non plus, à la tradition proche ou lointaine. Seulement, ils en prennent la part qui leur semble bonne pour l'envelopper, en doses massives, dans les notions les plus conventionnelles du marxisme, léninisme, stalinisme, kruschevisme. Et, comme par hasard, tous trois, le Régime, l'Opus Dei et les communistes et apparentés, sont d'accord pour attaquer, sans la moindre ombre de respect ni d'objectivité, ce qu'ils appellent avec mépris "le libéralisme". La critique, en grande partie gratuite et irresponsable, que tous trois font sans cesse de la pensée d'Ortega y Gasset fournit un excellent exemple de ce qui vient d’être dit.

Comme il est naturel, des formes de culture aussi surannées, aussi sclérosées, que celles qui sont offertes par le Régime et par l'Opus n'attirent que très peu d'intellectuels et pas des meilleurs. La formule des comunistes et apparentés apparaît, par contre, sous une autre lumière. Elle correspond d'abord à une conception des choses qui joue un rôle de tout premier ordre dans le monde contemporain. Elle se prétend, en plus, l'absolument opposé de ce qui est en place. Elle bénéficie, par dessus le marché, des possibilités, des réussites rapides que son appareil de propagande intérieure et extérieure est en mesure de procurer à ses adhérents, alliés et sympathisants. Elle jouit, enfin, d'une tolérance qui lui permet d'exercer une influence et une coaction matérielle et morale grandissantes sur les mal renseignés, les impatients, les ambitieux et les naïfs de toute espèce.

L'action convergente de ces trois groupes de pression, tous trois cohérents et organisés, tous trois munis des moyens nécessaires pour imposer leurs lois, a créé dans la vie intellectuelle espagnole une atmosphère irrespirable, où la recherche de la vérité et la liberté d'esprit ont cédé à la partialité, à la simplification la plus grossière et à une inhibition croissante. Pour remédier à cet état de choses, pour renouer en termes valables le dialogue interrompu, il faut donc dresser en face de ces trois groupes une force nouvelle qui affirme les droits de la liberté et de l'objectivité, qui rétablisse la communication et les liens entre la culture espagnole et la culture étrangère, qui encourage ceux qui ont déjà un nom à accomplir l'oeuvre qu'ils doivent accomplir et ceux qui sont encore des inconnus à s'ouvrir un chemin, qui donne à tous les intellectuels qui se veulent libres la certitude de ne plus se trouver seuls, épars et sans appui, comme ils le sont à présent.

Si ambitieuse et si délicate soit-elle, cette tâche doit être accomplie, tant pour le bien de l'Espagne que pour le bien du monde occidental. Et le Congrès peut y contribuer d'une façon décisive. Son action principale doit se développer, bien entendu, à l'intérieur du pays. Elle aura un inévitable sens politique dans la mesure où elle s'opposera à la situation établie et aux groupes de pression dont on a parlé plus haut, mais elle ne pourra être à aucun moment partisane. C'est à dire, le Congrès sera tenu de chercher ses collaborateurs et les gens qu'il va aider dans tous les milieux, avec une totale indépendance de convictions politiques, religieuses, scientifiques ou esthétiques, et à la seule condition qu'ils soient inspirés des principes de liberté qu'il s'agit de défendre. D'autre part, dans la planification de ses activités, le Congrès

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devra tenir compte de la nécessité de promouvoir le contact entre les personnes qui seront sous son influence, de maintenir avec elles des rapports continus, de les pourvoir aussi largement que possible des moyens d'expression et de travail dont ils auront besoin pour constituer une véritable force dans la société espagnole, et de diffuser leur oeuvre au-delà de nos frontières.

Les projets qu'on envisage pour atteindre buts sont, d'après ce que M. Pierre Emmanuel m'a expliqué, les suivants :

a) Maintenir le Comité de Madrid dans son rôle actuel de haute assemblée, président aux activités du Congrès, les appuyant de son autorité et exerçant une espèce de patronage sur tout ce qui n'est pas placé sous sa dépendance directe.

b) Organiser un groupe autonome d'études économiques, visant e préparer les bases et les experts nécessaires pour esquisser un plan national.

c) Sans abandonner tout à fait le système actuel de bourses pour écrire des livres, établir un prix annuel de 200 ou 250.000 NF, pour un ouvrage ayant trait à un sujet sociologique, historique, économique, etc.

d) Créer une revue.

Dans leur ensemble et dans les détails, ces quatre projets sont, sans doute excellents et pleins de possibilités. Cependant, et dans la seule intention de contribuer, si peu soit-il, à les rendre plus adéquats et efficaces, je voudrais proposer ces quelques suggestions :

1- En même temps que le groupe d'études économiques, on pourrait organiser un groupe d'études pédagogiques, étant donné que l'enseignement est un des gros problèmes de l'Espagne et qu'on ne peut envisager le développement économique sans résoudre parallèlement la question de la formation des cadres.

2- Le prix pourrait s'nommer "Prix Europe de Sciences Humaines". Les originaux présentés auraient au moins 250 pages, seraient inédits et devraient avoir trait obligatoirement à l'un quelconque de ces thèmes : histoire, sociologie, politique, économie, et si l'on veut philosophie et droit. L'ouvrage ayant remporté le prix serait publié par les soins du Congrès en espagnol et en français ou en anglais. Le prix serait décerné chaque année à la même date, avec la plus grande solennité et publicité possibles par un jury dont deux de ses membres seraient des étrangers ayant une autorité et un prestige indiscutables. Je propose que les originaux soient inédits pour plusieurs raisons. D'abord, parce que de cette façon on stimulerait ceux qui peuvent le faire à écrire des oeuvres qui exigent un grand effort, ne sont pas faciles à placer, et qui, en Espagne, rapportent en général très peu d'argent à leurs auteurs. Ensuite, parce que des portes s'ouvriraient ainsi aux inconnus, qui leur sont fermées d'habitude.

3- La revue doit paraître à Madrid. Tout en gardant un bon niveau intellectuel, elle doit plonger dans l'actualité la plus vivante, sans oublier aucun procédé (pas même les reportages), sans négliger aucun sujet et, moins que tout autre, la politique et l'économie, sans exclure de ses pages aucune tendance, sauf celles qui vont à l'encontre des principes de liberté, sans jamais tomber dans le guindé ou dans la fixité. Finalement, elle doit bénéficier, en doses restreintes, bien entendu, de collaborations étrangères de qualité.

4- En attendant que la revue puisse paraître, et même après, le Congrès devrait demander régulièrement aux gens sous son influence des articles et des essais, non seulement pour ses propres publications, mais aussi pour les journaux et les hebdomadaires américains et européens.

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5- Il conviendrait que le Congres s'occupât de faire traduire par une ou plusieurs maisons d'éditions étrangères les quatre ou cinq meilleure livres publiés chaque année par les auteurs espagnols sous son influence.

6- On devrait créer ou aider à la création d'une association dans le genre du Pen Club, où les intellectuels espagnols puissent se grouper, avec ses locaux, etc., et où ils puissent trouver un foyer indépendant d'action et de résistance.

7— Il faut établir un système efficace et régulier pour recueillir à l'intérieur de l'Espagne les informations dont le Congrès a besoin pour alimenter le "Boletín Informativo" ou autre publication similaire.

Paris, septembre 1962.

[ Transcripción literal e íntegra de cinco folios mecanografiadas. Manuscrita la firma en azul. Archivo Pablo Martí Zaro-FPI. ]